L'Ar Wydd

Vous vous demandez ce qui se cache derrière cette étrange dialecte et pourquoi nous en parlons ça et là à La serpe de lune ? Une définition s'impose !

Le nom de la boutique

La serpe de lune fait référence à la serpe d'or qu'utilisaient les druides pour cueillir le gui de chêne, ce sous-arbrisseau sacré. Son esprit se nomme Ar Wydd (ou Ar Wyd) en Gaulois qui veut dire "plante par excellence" ou encore "plante qui guéri tout".

Ce dernier nom étant complexe et ne ciblant pas assez l'ambiance de ce que nous voulions proposer, nous avons choisi de placer la boutique sous la protection de l'Ar Wydd et de la nommer selon l'outil sacré des druides, ceci faisant directement référence à l'esprit celte qui domine dans nos produits. Toutefois, il y a également un esprit christique, dans le sens où le gui est également appelé "Bois de la Sainte Croix".

Afin de mieux comprendre ce que représente le gui et prendre conscience de sa puissance, voici quelques mots à son sujet :

Une plante fascinante

Le gui (Viscum album) est une plante dite hémiparasite, c'est à dire qu'elle parasite une plante hôte, soit à son détriment (total ou partiel), soit pour l'aider, ce qui est le cas du gui. Ne prélevant que de l'eau et des sels minéraux, elle se débrouille seule pour le reste étant capable de le synthétiser.

C'est une plante "sempervirente" c'est à dire qu'elle reste toujours verte. En effet, elle est capable d'assimiler la chlorophylle même en hiver, captant les différentes ondes du spectre lumineux. Ainsi, elle absorbe la lumière, sait la conserver mais également la distribuer. 

Un suçoir lui permet de se connecter à l'arbre et autour de celui-ci, appelé "suçoir primaire", d'autres vont se former sous l'écorce. Le gui n'atteint jamais le tissu ligneux de l'arbre, il ne lui porte donc aucun préjudice. 

Fleurissant en mars/avril, il faudra 24 mois avant qu'un fruit ne se forme, puis neuf mois supplémentaire avant qu'un embryon soit formé. Car le gui ne fait pas qu'une simple graine mais une graine contenant un embryon. En botanique, il s'agit de l'ensemble de cellules issues de la division de l'oeuf jusqu'au stade de la plantule. La plantule est un organisme maintenu en vie latente, pendant un temps variable, cela au sein même de la graine.

Ces "enfants" sont avalés par les oiseaux, notamment la grive qui les dissémine via ses fientes, la graine n'étant pas digérée. L'enveloppe étant visqueuse, cette glu naturelle permet de fixer la graine à la branche pour que la naissance ait lieu au printemps prochain. On a longtemps fait de la glu à partir des baies, en les faisant bouillir avant de piler le tout pour récolter la matière collante. 

Pour citer Jean-Pierre Gaillard : "(...) il est capable d’intérioriser la lumière pour maintenir verts ses suçoirs dans l’obscurité du bois où ils s’enfoncent. Autant de raisons qui font du gui une plante qui ne pouvait être que magique. Une plante qui, comme l’écrit Jean-Marie PELT, s’est libérée des contraintes ordinaires de la vie végétale et s’est arrachée aux lois et aux dépendances que subissent toutes les plantes par rapport à la terre et au soleil. Et comment alors, pour des initiés, ne pas se sentir proche de ce rameau d’or, tout pénétré de cette lumière qu’il intériorise jusqu’au plus profond de son être." (1)

Le gui peut parasiter beaucoup d'arbres comme le peuplier ou le pommier, mais le gui qui intéresse tant les druides est le gui du chêne. Cet arbre, s'il est parasité, ne l'est que de façon exceptionnelle, cela parce qu'il aura une déficience génétique, autrement le chêne opposerait, dit-on, une barrière chimique contre le gui (2). Mais comme le gui est une "aide", peut-être n'a t-il qu'une mission envers les arbres faibles ?... mystère !

Traditions

"Vous êtes sous le gui ! Embrassez-vous !". L'une des tradition que l'on connaît très bien à Noël est que deux personnes passant sous une branche de gui doivent s'embrasser. Mais on peut également se placer sous lui et embrasser son ou sa partenaire pour souhaiter bonheur et durée au couple, ou promettre une demande en mariage.

Symbolique

Le gui possède un symbol très fort dans le langage des fleurs car il représente l'amour triomphant, mais également l'invulnérabilité. Il s'agit donc d'une plante de protection, de bénédiction, d'amour et de chance. 

Croyances

Le gui du chêne était (et est toujours !) une plante sacrée qui ne doit être récoltée qu'au sixième jour de la lune de décembre (lune croissante de ce mois, donc après la nouvelle lune), autour du solstice d'hiver (21 décembre) et c'est ce sixième jour de cette lune que la nouvelle année commence. Aujourd'hui on le cueille aussi à Samhain (jour des morts, 31 Octobre) car il s'agit du "nouvel an celte" selon les traditions néo-païennes.

Lorsque le gui était cueillit après une très solennelle célébration, le druide en donnait un morceau à chacun pour protéger la maison, porter bonheur, etc. C'était le rameau de buis de la fête chrétienne que l'on connaît bien de nos jours. Le buis, lui aussi symbole d'immortalité. 

Véritable plante permettant de chasser le mal, on l'utilise pour l'exorcisme, le désenvoûtement, les infestations. 

Symbole solaire, le chêne jouit d'une alchimie toute particulière avec le gui, symbole lunaire.

Druide vient des mots gaulois derw (chêne), wyd (gui), dyn (homme), c’est-à-dire homme du gui de chêne, derw-wyd-dyn, et par corruption druide. Le chêne était pour les druides l’arbre symbolique de la divinité ; ils n’avaient pas d’autres temples que les forêts de chênes séculaires, où ils invoquaient et glorifiaient Hésus, le dieu suprême. Le gui, plante d’une autre nature que le chêne et vivant de sa substance, était pour eux l’image de l’homme, vivant de Dieu et par Dieu, quoique d’une autre nature que lui (3).

Destruction & guérison

Hélas, malgré tout cela, le gui est systématiquement coupé à la base de sa touffe car il provoque un renflement sur la branche de l'hôte, marque le bois, empêche une évolution rapide de l'arbre. Le commerce du bois étant très intensif de nos jours, les forêts d'exploitations traquent le gui comme un nuisible...

Le bois souffre autant que les plantes : produits chimique pour éradiquer le gui, perfusion pour véhiculer d'autres produits via la sève, cultivars plus résistants pour un rendement optimal etc. 

Le gui qui jadis fut la fierté des Gaulois, le symbole de Noël aujourd'hui remplacé par le houx, n'est plus qu'un parasite sans intérêt. 

Mais heureusement, cette plante est guérisseuse et on la prescrivait pour presque tout : coeur, ventre , froid, fécondité, nerfs, etc. ! Aujourd'hui, en fait moins l'usage, toutefois elle intervient dans certains médicaments comme actif ou dans des tisanes pour les amateurs d'herboristerie. 

Mr Delaveau (4) avait supposé que le gui avait des propriétés antitumorales, voyant comme il se développait comme un cancer sur l'arbre parasité. Depuis, dans certains pays ont l'utilise dans un traitement de chimiothérapie mais cela est interdit en France.

En magie, on prescrit de porter une branche de gui sur soi pour la chance ou l'aide à la fécondité, brûler le gui de l'année passé et mettre la cendre en sachet est idéal dans un rituel de protection contre le mal, on en met sur le berceau de l'enfant pour éloigner les fées désireuses d'échanger le bébé avec un changelain...

Conclusion

Je me suis longtemps considérée comme une "semeuse de pleine lune", qui est un terme indien signifiant "mettre un rayon de pleine lune dans les ténèbres du coeur d'autrui". On y voit pas aussi clair que le jour mais on a l'espoir de la lumière. C'est une graine argentée qui permet au voyageur d'avancer dans la nuit obscur de son être. 

Julien s'est toujours senti fraternel, prenant sur lui la peur de l'autre pour lui redonner, transmutée, en amour. 

Savoir que le gui est une plante capable de capter toutes les ondes du spectre lumineux, de conserver cette lumière, et même de la rendre disponible dans les ténèbres, m'a été une révélation. Oh, sur bien des aspects, je me reconnais en lui, notamment sa façon de défier la verticalité, poussant toujours de façon perpendiculaire ou tête en bas ! 

Voici pourquoi le gui, l'Ar Wydd plus précisément, pousse sur les branches de notre boutique. C'est avec humilité que nous nous faisons serpe de lune pour en cueillir des rameaux chimériques et vous les offrir à chacune de vos visites. 

Véronique

 
Notes
1. https://www.nhu.bzh/le-gui-plante-sacree/
2. Aline Raynal-Roques, "Agenda botanique 2010", Belin, 2009
3. Eugène Sue, "Les mystères du peuple", Tome 1, 1888
4. P. Delaveau, "Histoire et renouveau des plantes médicinales", Albin Michel, 1982